L'enlèvement et la détention illégale de Liman Oumate relève d'une grave violation des Droits politiques auquel a droit tout citoyen et sont de ce fait une violation intolérable des Droits de l'Homme
La presse camerounaise s'est fait l'écho, ces derniers jours, de l'enlèvement a Maiduguri au Nigeria par des éléments ''under cover'' de la gendarmerie camerounaise, appuyés par des policiers nigérians manifestement conditionnés, et son rapatriement au Cameroun pour être placé en détention administrative sans respect d'aucune procédure judiciaire, de notre compatriote Liman Oumate, Président du Mouvement de Libération du Peuple Camerounais, Mlpc. Cet acte constitue le dernier délit flagrant en date de la Terreur d' Etat dans laquelle le régime en place entend établir et le Cameroun, et notre peuple.
Cet événement étale au regard de tout esprit avise la violation par ce régime des Conventions Internationales qui proscrivent a un Gouvernement de se livrer a des arrestations hors de ses frontières nationales, étant entendu que l'extradition vers son pays d'origine d'un individu en séjour dans un pays étranger est rigoureusement réglementé par les dites Conventions. Cette violation est par conséquent un double crime d' Etat au regard de la légalité internationale.
Ce double crime qui tient d'un acte de grand banditisme se trouve aggravée par une considération: ceux qui en ont été les maîtres d'œuvre sont connus pour être respectivement le Président de l'Assemblée Nationale, deuxième personnage de l' Etat du Cameroun, et ... le Ministre de la Justice, excusez du peu, celui la même dont la fonction est de veiller au respect de la Loi. Et pour en rajouter, le prétexte pris par ces individus pour bafouer et abaisser leur position est que notre compatriote s'active dans une région dont ils se prévalent, auprès de leur maître, le Chef de ce régime de qui ils tiennent leurs positions avantageuses, être les '' propriétaires exclusifs des voix.''
Et lorsque ramené au Cameroun, notre compatriote est, en l' absence de tout acte ou décision de justice, remis aux autorités administratives qui le maintiennent en détention, c' est l' Etat du Cameroun qui ici se compromet, et pire, qui se révèle n' être plus régit par la Loi et le Droit au service de l' intérêt général, mais qui est plutôt érigé en Etat criminel, régit par une logique de maffia qui ignore les lois internationales et nationales, au service de l'intérêt d' individus en quête de préservation d' avantages et privilèges individuels.
Violation des Conventions internationales ? Elle est d'évidence, a l'éclairage d'un cas de fraîche mémoire: Il y a quelques mois, un opposant au régime de Guinée Equatoriale a été, avec l'aide d' un policier camerounais, enlevé a Yaoundé et rapatrié pour être ''incarcéré'' -liquide?-, dans des conditions absolument identiques à celles vécus par Liman Oumate. Une fois le fait connu, son caractère attentatoire à la légalité tant nationale qu'internationale a suscité la révocation par sa hiérarchie et son arrestation du policier incriminé, la convocation de l' Ambassadeur de Guinée Equatoriale à Yaoundé par le Ministre des Relations Extérieures pour admonestation.
Surgit la question : D' où vient-il donc qu'aujourd'hui, des affidés du régime qui hier a sévi après l'enlèvement de l' opposant équato-guinéen, se livrent a des actes criminels d' une nature absolument identique, avec de plus, en première ligne, deux personnalités, assumant des fonctions de souveraineté et hautement symboliques dans les structures de l' Etat ? La réponse évoquée plus haut revient à l'esprit : Pour les tenants du pouvoir dans notre pays, la logique de maffia au service des intérêts d'une caste a depuis longtemps pris le dessus sur la logique d'Etat respectueux du Droit et au service de l' intérêt général. Et s'ils s'en trouvent qui en doutaient encore, ils tiennent ici la dernière preuve.
Violation des Droits politiques ? Que si. Notre compatriote Liman Oumate, en citoyen et en homme politique a exprimé à sa manière son opinion politique. Nous n'avons connaissance de sa part ni d'une prise d'armes, ni de menace à l'ordre public, ni d'atteinte a la sûreté de l'Etat. Il ne lui est attribué que des déclamations et déclarations rendues publiques par voie des tracts, toute chose relevant d'une pratique banale dans un pays normal. Son enlèvement et sa détention illégale pour ces motifs relève par conséquent d'une grave violation des Droits politiques auquel a droit tout citoyen et sont de ce fait une violation intolérable des Droits de l'Homme. Nous sommes là, une fois de plus, devant la face hideuse de l'esprit par essence anti-démocratique de ce régime qui n'a de cesse que de s'imposer à perpétuité par la Terreur d' Etat.
Un régime de terreur ? C'est bien à son instauration, par touche sournoise, progressive, que nous assistons depuis quelques temps. Passons sur le procédé utilisé et de triste mémoire de mettre une drogue dans le verre de Liman Oumate, personne sauf les commanditaires ne pouvant aujourd'hui préjuger des résultats à long terme sur la victime. Relevons tout simplement la similitude avec l'assassinat de Félix Moumié a Genève en 1958 par un agent des services secrets français ayant utilise le même procédé. Moumié mettra deux jours à mourir. Restons vigilant pour voir si Liman Oumate ne sera pas lui victime d'un poison lent dans les mois à venir.
Revenons a l'autre aspect tout aussi sérieux. Nous sommes, pour peu qu'on y prête attention, ramenés des décennies en arrière. Episode des années de plomb. En 1976, des compatriotes et camarades, parmi lesquels Bityeki Emmanuel, Ebelle Tobo, Mouend Gaspard, ma cousine fille de l ' ancien Trésorier Payeur Général de Douala, Tsanga et j' en passe, accusés d'avoir fait circuler des tracts, avaient été arrêtés, torturés pendant des mois au … Cener, avant d' être envoyés dans les camps de concentration de Mentum, Yoko, Tchollire. Certains y passeront sept ans… sans aucune procédure judiciaire! Sept ans de bannissement, sans jugement... pour ''crime de distribution de tracts''. C'était le temps de la terreur. On pensait qu'on y reviendrait plus.
On se trompait. Analogie. La seule activité politique connue de Liman Oumate est... d'avoir fait distribuer, afficher quelques tracts dans certaines localités du Septentrion. Comme nos compatriotes cités plus haut, c'est ce qui lui vaut d'être aujourd'hui enlevé et placé en détention extra judiciaire.
Il est de ce fait un prisonnier politique, par la volonté de ceux -là qui rêvent d' un retour du temps de la terreur, terreur dont ils tissent les mailles autour du mental et du subconscient collectif du peuple, à travers moult forfaits: meurtres de sang froid de centaines de jeunes gens pendant les émeutes de la faim de Février 2008, patrouilles d' hommes en armes dans les rues, interdictions et interruptions par les autorités administratives des réunions, brutalités des forces de l' ordre sur les citoyens, arrestations et incarcération des leaders d'opinion ou figure symboliques comme Lapiro de Mbanga, Jo La Conscience... Le but poursuivi par ceux la qui orchestrent et animent cette funeste entreprise est de figer les Camerounais dans une posture de peur intériorisée, de résignation et d'autocensure, afin que la passivité ainsi acquise deviennent la norme de comportement, que ce soit hors ou en saison des élections.
Voila donc révélée la logique diabolique qui préside à l'enlèvement et la détention criminelle de Liman Oumate. Elle n'est qu'une manifestation de plus et de trop de la terreur d'Etat que certains font sévir sur notre pays. Notre compatriote est un prisonnier politique. Il rejoint dans cette catégorie d' autres pour qui, pour être éliminée du champ politique, ont été taillés des costumes sur mesure de délit de droit commun avilissant, en pensant a Lapiro, Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo.
Force est de constater, avec tristesse et regrets, les dégâts effectifs et la corrosion que cette politique de terreur cause sur la mentalité des Camerounais. Ces dégâts se voient dans ''la fatigue et le déficit d'énergie mentale'' lorsque vient le temps de s'unir dans la réflexion et l'action coordonnée. La préférence semble en effet être donnée par beaucoup aux jérémiades et aux pleurs stériles. Lorsque vient l'invitation a l'action, beaucoup, apeurés, se réfugient dans le scepticisme, le pessimisme, les procès en sorcellerie de ceux qui tentent de promouvoir une dynamique d'action effective, chargeant de tous les maux ''l'opposition'' de laquelle ils attendent des résultats qu'ils croient pouvoir être obtenus, non pas comme dans d'autres pays, par la mobilisation populaire et leur propre engagement, mais par les anges venus du ciel…
Ce sentiment d'impuissance et d'incapacité est bien caractéristique des victimes des régimes totalitaires comme celui dont je dénonce depuis de années la mise en place au Cameroun. Un coup d'œil à l'Histoire montre bien que de tels régimes, parce que ne servant qu'une oligarchie et non le peuple, n'ont de force que la faiblesse organisationnelle des forces adverses et qu' ils s' effondrent dès que le peuple réussit a se mobiliser. L'effondrement des régimes staliniens du bloc soviétique dans les années 89-90 en est une preuve éclatante. Cet exemple suffit à faire comprendre que le peuple camerounais tient en ses mains l'arme de sa victoire, arme qui se décline en plateforme commune de réflexion- unité d'action dans la mobilisation du peuple- détermination. Il ne lui reste qu'à daigner l'utiliser.
Tout est donc dit. Le temps est désormais à l'action, pour ceux qui ne croient plus au pouvoir des seules éructations critiques vaines ou de l'ivresse fugace de l'''auto-ego-mise-en-scène médiatique''. C'est temps de l'action pour tous ceux qui pensent qu'en dépit des obstacles et des pesanteurs, seule la coordination de la réflexion et de l'action peuvent aider à faire échec à l' Etat de Terreur.