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Écrit par Patrice Etoundi Mballa   

L’un des «grands frères» de la presse, 69 ans, se fâche devant  le spectacle de deux  journalistes de « gros calibres » s’étripant sur la place publique.

 

Ces temps-ci, des journalistes camerounais auront donné du journalisme camerounais l’image la plus lamenta

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ble et la plus ridicule qui soit. C’est vrai que, à intervalles réguliers et par turpitudes répétées, les « confrères » comme ils s’appellent eux-mêmes mensongèrement, ont souvent, par le passé singulièrement ruiné le capital-crédit que la société ne demandait qu’à leur accorder. Ainsi, on connaissait jusqu’à présent, ces journalistes de misère qui, comme des hyènes affamées, chassent continuellement les primes aux alentours des hôtels et des palaces ; nous étaient aussi familiers, ces directeurs de publication, à moitié aventuriers sans domicile fixe, à moitié feymen, bons causeurs aux grosses lunettes fumées, dont le journal ne parait même pas une seule fois l’an ; enfin, on a maintes fois croisé ces autres journalistes étranges qui hantent assidûment conseils d’administration, séminaires et symposiums, mais dont les reportages et interviews monnayés et pré-rémunérés ne sont nulle part publiés. Désormais, on découvre que le temps qui a passé a enfanté de nouvelles races de journalistes à peine plus accommodant que ceux nous avons connus jusqu’à ce jour. De toute évidence, ces nouveaux journalistes ne soignent entre eux, aucune notion de « confrères ». Au contraire, ils savent seulement s’injurier, se défier et s’entre-déchirer. Nul doute qu’ils se mordraient comme des chiens enragés si, à la place des stylos, ils possédaient des crocs. Et, croyez- moi, le spectacle (mauvais) est garanti…
C’est précisément dans ce climat pourri que la dernière affaire de journalistes a éclaté. Dans un duel de la honte, deux camps se sont affrontés. D’un côté, le ministre de la Communication, BBE, comme l’appelle, avec une familiarité respectueuse, la plupart de ses amis. De l’autre, celui qui a donné une consistance certaine à la presse privée dite d’opposition, Pius Njawé, et, avec lui, le correspondant à New-York du journal Le Messager. En d’autre temps, pour des causes plus nobles et compte tenu de mon passé professionnel, j’aurais, sans hésiter, pris mon carquois et mes flèches, pour rejoindre le camp de BBE. Mais cette fois, l’amour que j’ai pour la profession et le peu d’honnêteté intellectuelle qui me reste m’ont suggéré que, ce faisant, je n’aurais pas opéré un choix de raison ou de justice. Et quand, froidement, je passe ne revue les différents points qui, dans ce duel des la honte, ont mis le feu aux poudres, j’ai le regret de constater que BBE en a fait trop et qu’il est totalement indéfendable. En voici les raisons:
1) Il n’appartient pas au Mincom d’apprécier, de quelque manière, la qualité de
« correspondant permanent » de Balla Ngoa. En cas d’usurpation de titre, la direction du journal Le Messager avait tout le temps et tous les moyens de le faire savoir et, éventuellement, de s’en plaindre, par toutes sortes de voies.
2) Avec le verbe « fréquenter », BBE s’est délibérément mis à la recherche des poils sur les œufs, sans doute pour libérer des penchants à la fois narcissiques et pédants. C’est vrai que « fréquenter » a, effectivement, les définitions que le dictionnaire indique. Mais, il n’a pas seulement celles-là. Camerounais bon teint, BBE sait parfaitement que ses compatriotes parlent en français leur français. Ainsi,  ils vont à « l’aviation », ils fument des « bâtons» de cigarette ; un pote qui s’en va dit à ses amis en guise d’au revoir « on est ensemble » ou bien « j’arrive » ; de même, quand ils parviennent au septième ciel, des partenaires sexuels ont parait-il, l’habitude de se congratuler avec des « bon appétit » et des « à toi autant » absolument inattendus. Pour comprendre quelque chose dans tout cela, ce n’est pas, bien entendu, le dictionnaire qu’il faudrait solliciter. Plutôt, il importerait de pénétrer l’âme du Camerounais et de communier dans le génie de son parler. C’est précisément  dans cette dimension là. Qu’il faut insérer le verbe « fréquenter » qui, pour la plupart des Camerounais, signifie tout simplement « rencontrer », même une seule fois. Il y a mieux à propos justement de «fréquenter» : les Camerounais en particulier, et les Africains en général, ont tellement tropicalisé ce verbe qu’ils en ont fait leur affaire ; non seulement ils l’ont totalement « intransitivé », mais encore, ils lui ont collé une définition de convenance que ni Vaugelas, ni Voltaire n’avaient un jour soupçonnée, à savoir: « aller à l’école ; étudier… » Ainsi, si Balla Ngoa avait écrit : « Le Mincom camerounais a beaucoup fréquenté », il est à peu près évident que BBE aurait siroté, avec délectation, cet éloge mérité et qu’il n’aurait jamais songé à offrir des dictionnaires. Alors, quand on est né dans le sérail, c’est inutile de faire semblant de ne pas en connaître les détours.
3) Journaliste principal, universitaire et Mincom, BBE sait mieux que personne, que, en cas de réplique à donner, c’est essentiellement au fond de l’article incriminé qu’on s’attaque. Le souci est alors de rétablir la vérité, par rapport aux allégations mensongères avérées. Au lieu de s’en tenir uniquement à cela, BBE a commis une bien décevante sortie de piste, en traitant Balla Ngoa de tous les noms d’oiseaux. Un journaliste principal n’est pas un charretier.
4) Dans ce même dérapage, l’embardée presque mortelle que BBE a effectué, c’est cette incursion invraisemblable qu’il a faite, gratuitement, dans les messes noires qu’il reconnait avoir souvent dites, avec son « ami » Pius Njawé, dans des chambres d’hôtel. C’est poussé par quel diable encorné qu’un membre du gouvernement, censé recevoir, à n’importe quel moment, des instructions du chef de l’Etat sous le sceau du « top secret », en est-il arrivé à ne plus savoir se réserver et à éclabousser le grand public de « ses secrets d’alcove » ? Imaginons un instant que, pris au jeu, Pius Njawé se soit mis à avouer que, lors de ces parties cocasses et coquines avec son ami ministériel, ils n’avaient pas arrêté de critiquer le régime en place ou de fomenter un coup d’Etat, quel témoin de BBE aurait-il appelé au secours, afin qu’il vienne assurer que Pius ment ? De toute évidence, BBE a joué dangereusement avec le feu.
5) Enfin, en cherchant à faire de l’esbroufe, BBE a finalement été mal inspiré. Il n’avait pas à se servir de la première dame pour régler ses comptes. Le prétexte de prendre la prendre la défense de madame Biya ne tient pas. Ce sont les coupables que l’on défend. Dans le cas d’espèce, la première dame n’en est pas une. Elle a rencontré Paris Hilton, la sulfureuse star de Hollywood. Et alors ? Où est la faute?... L’autre jour la télé nous a montré comment le pape se déchausse en entrant dans une mosquée à Jérusalem. Se serait-il pour autant converti à l’islam ? On a vu le même Benoit XI glisser un bout de papier dans les ruines du Mur des Lamentations. Cela suffit-il pour qu’on accuse le Saint-Père d’être devenu Israélite ? Avant lui, Jésus-Christ lui-même ne fréquentait-il pas les prostituées? N’est-il pas allé manger chez Zachée, celui là qu’on considérait, à l’époque, comme le pire des usuriers et le plus malhonnête des collecteurs d’impôts que la terre d’Israël ait jamais enfanté ? Madame Biya est à la tête de
« Synergies africaines », une structure de grande envergure qui méritait d’être mieux connue dans le monde entier et, autant que faire se peut, d’être financièrement épaulée. Si, par l’intermédiaire de Paris Hilton, Mme Biya parvient à faire fleurir, en faveur des « Synergies Africaines », la générosité inespérée des milliardaires d’Hollywood, on appellerait cela un « succès diplomatique» et non pas une « fréquentation coupable »…
Etonnant qu’en même que BBE, si pondéré d’habitude, ait pu si facilement prendre la mouche, à cause de quelques lignes écrites qu’il aurait, en d’autres occasions, considérées comme un non-évènement. Aurait-il voulu que tout d’un coup Le Messager se mit à écrire comme Cameroun-Tribune? L’habitude des choses ne l’a t- elle donc pas suffisamment aguerri ? C’est pourtant connu de tous. Si au passage d’un cortège funèbre, Mme Biya ébauchait un léger sourire, CT écrirait que « la première dame a adressé un sourire de compassion et de réconfort à la veuve et aux orphelins ». Le Messager écrirait : « Puisant dans son cynisme habituel, Chantou n’a pas arrêté d’arroser le corbillard de ses fous-rires bien connus». Et se serait de bonne guerre… C’est ça la traduction, au quotidien, de cette totale liberté que l’actuel régime a consenti à la presse nationale. Aux journalistes d’assumer cette liberté, professionnellement parlant.
Mais bon ! L’idée de rectifier le tir, chaque fois que l’on se rend compte que quelque journaliste a écrit n’importe quoi, concernant la première dame, n’est pas du tout mauvais en soi. Cependant pour mener à bien une entreprise délicate, il faut avoir de grandes convictions, une belle sincérité, beaucoup de talent et, surtout, il faut opter pour des causes nobles et justes. Dans ce cadre là, on fera observer à BBE qu’il n’avait pas jusqu’ici, montré un grand empressement à prendre la dépense de madame Biya. En effet, des journaux ont souvent publié de la première dame Camerounaise, digne épouse et vénérable mère de famille, d’odieuses caricatures qui frôlaient l’indécence. BBE ne peut pas prétendre n’avoir jamais vu lesdites caricatures... Du reste, pendant qu’on y est, pourquoi s’arrêter à Mme Biya seulement et ne pas défendre, avec le même zèle nouveau, le président Biya lui-même, dont on dit, avec raison, qu’il serait de par le monde l’un des chefs d’Etat les plus insultés par la presse nationale de son propre pays ? En effet, la liberté de presse et toutes les autres libertés se sont tellement acharnées sur le président de la République qu’elles ne savent plus aujourd’hui quoi lui inventer. On a déformé son nom ; on l’a caricaturé dans toutes les positions ; on l’a traîné dans toutes les boues ; on lui a collé des crimes qu’il n’a pas commis ; on lui a attribué des mots qu’il n’a jamais dits. Chose plutôt inédite, on lui a fabriqué une caricature musicale. C’est ainsi que, dans ce pays, librement, circule un CD où le président de la République, devenu musicien tendance ivoirienne, emballe Chantou, Junior et Brenda, dans un « couper- décaler » étourdissant… Eh bien ! quand on veut jouer les tours de garde, par rapport à ce qui se dit, s’écrit, se caricature ou se chante, concernant le président Biya et sa famille, on a là, assurément, une matière bien plus abondante et bien plus consistante que les broutilles sans objet qui nous viennent de Hollywood.
En attendant, c’est la presse nationale camerounaise, à travers quelques uns de ses plus remarquables représentants, qui vient de nous faire vivre en direct, l’expérience des grands singes : plus haut un chimpanzé monte dans l’arbre, mieux on contemple la laideur de son derrière.

Journaliste et écrivain
 
 
   
 
 
 
 
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