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Décidément, la justice, en général, et la Justice française, en particulier, ont beaucoup de mémoire. Une très longue mémoire. Un général argentin vient d’écoper d’une « perpétuité », pour des crimes qu’il avait effectivement commis, de longues années en arrière, et dont il ne se rappelait lui-même pratiquement plus rien. Le Tribunal pénal international n’arrête pas, de son côté, de continuer de mettre le grappin sur « les tueurs professionnels » de l’ex-Yougoslavie, même si Karadzic et ses complices, aujourd’hui minables pantins traqués, montrent devant les juges internationaux un courage inversement proportionnel à la cruauté qui fut la leur, quand ils massacraient des populations entières.
Telles que les choses sont parties aujourd’hui, cela ne surprendrait personne que le Tpi ouvre, un matin, un nouveau Procès du Nuremberg, pour qualifier, de manière plus explicite encore, les crimes de guerre et contre l’humanité qu’Hitler, Goebels, Goering et tous les autres chefs nazis peuvent avoir commis… Personnellement, nous ne savons pas très bien à quoi pareils procès, qui se penchent sur un passé de plus en plus lointain, peuvent encore servir. Le principal rôle de la justice est, nous semble-t-il, non seulement de désigner et de punir les coupables, mais encore et surtout, de rétablir, à temps et dans les meilleures conditions possibles, les victimes innocentes dans la plénitude et la jouissance de leurs droits. En d’autres termes, la Justice répare, dans le sens du Bien. Malheureusement, à travers des procès où l’on se contente tout juste d’exhumer le passé et de compter des victimes innocentes qui sont autant de morts, la Justice n’a plus la moindre chance de réparer tant soit, les torts et dommages subis. Si rigoureux puisse-t-elle être, la Justice ne répare plus l’Histoire, ni dans ses morts à jamais ensevelis, ni dans ses autres faits définitivement indestructibles. On pourrait, parfois, assigner à la Justice un rôle moins noble, un rôle qui s’apparente un peu à des mises en scène destinées moins à rendre véritablement justice qu’à régler de vieux comptes. Avec cette Justice-là, on ne répare rien du tout ; on n’accourt pas beaucoup, non plus, au secours des victimes éventuelles ; en revanche, on déboulonne les statues qu’on avait naguère sculptées et érigées en l’honneur des héros de l’époque ; sur la place publique, on voue aux gémonies les dieux qui avaient été, autrefois, au centre de toutes les adorations ; on assiste au spectacle frustrant des lumières qui s’éteignent, des gloires qui périssent et des mythes qui tombent… Ces jours-ci, la Justice semble prendre un énorme plaisir dans ce genre de jeux de scène. Non seulement, elle va fouiller dans un passé qui commence à dater pour en extraire des tragédies presque oubliées, affaire du petit Grégory, vieille aujourd’hui de près d’un quart de siècle- mais encore et surtout, elle fonctionne comme si elle cherchait à humilier à tout prix certaines personnalités que la France a, jusqu’ici, présenté comme étant, à la fois, ses fils les plus méritants et les commis d’Etat les plus loyaux. Charles Pasqua en prison pour avoir vendu des armes à l’Angola en pleine guerre civile !... Vous faites rire ! Seule une « Justice-acharnement », comme dirait De Villepin, peut prendre une telle décision. C’est la France qui a vendu les armes. C’est l’Etat français qu’il faudrait condamner… De toute façon, Savimbi et des milliers d’autres Angolais sont morts et enterrés. Aucune Justice ne leur rendra plus la vie.
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